https://www.lefigaro.fr/culture/mort-de-bernard-pivot-l-homme-qui-aimait-les-livres-et-ceux-qui-les-font-d-apostrophes-au-goncourt-20240506
DISPARITION - L'ancien animateur de l'émission littéraire et président du Goncourt est décédé à 89 ans, a annoncé sa famille.
Allô, Bernard Pivot, pouvez-vous réagir à la mort de Michel Tournier, Jean d'Ormesson, Alexandre Soljenitsyne, Jean-Claude Lattès ?… Ne rayez pas les mentions inutiles, il n'y en a pas. Lui-même souriait de ce réflexe des journalistes de l'appeler dès l'annonce du décès d'un écrivain. Il en plaisantait : « On m'appellera au téléphone pour avoir une réaction à ma propre mort. » Ne serait-ce qu'à ce titre, Pivot va manquer à beaucoup de monde.
Sa grande histoire avec les livres a commencé avec Le Figaro littéraire. Il a souvent raconté ce que sa carrière devait au hasard. « C'était en septembre ou octobre 1958, j'avais 23 ans, nous disait-il.J'ai été recruté par Maurice Noël, à qui je dois tout - son portrait ne m'a jamais quitté. Mon arrivée au Figaro littéraire constituait un petit événement : c'était la première fois que l'on engageait quelqu'un d'aussi jeune - les autres rédacteurs pouvaient être mon père. J'ai inauguré l'intégration d'autres jeunes, comme Jean Chalon, Dominique Jamet, qui m'ont rejoint ensuite. » Formé au Centre français du journalisme (CFJ, promotion 1955), il se présente à la rédaction du rond-point des Champs-Élysées.
Noël est un journaliste doté d'un fort caractère, capable de sautes d'humeur et farouchement attaché à l'indépendance vis-à-vis des éditeurs. Le jeune Pivot apprend au contact de cette personnalité.
Que de chemin parcouru jusqu'à la présidence du jury Goncourt, en passant par la création et l'animation de la plus prestigieuse émission littéraire de tous les temps, « Apostrophes » !
Bernard Pivot était né à Lyon, le 5 mai 1935. Ses parents étaient épiciers. Durant la guerre, alors que son père était prisonnier, il se réfugia avec sa mère dans le Beaujolais. Cette enfance le marquera à jamais – et lui donnera le goût de l'amitié, du football et de la gastronomie. Son ami d'enfance s'appelait Paul, un ouvrier pâtissier dont Bernard évoquait avec gourmandise la spécialité : des abaisses meringuées fourrées à la crème.
Son père originaire de la Loire lui avait transmis la passion de l'AS Saint-Etienne, et il était à Glasgow pour assister à la finale perdue contre Munich : «Déjà que les Allemands avaient retenu prisonnier mon père pendant cinq ans. Ça faisait beaucoup», écrira-t-il.