Accents: nouvelle chaîne nationale de base?

Le projet de chaîne télé Accents franchit une nouvelle étape

Philippe Orfali
Le Droit

La chaîne de télévision par et pour les communautés francophones et
acadiennes du pays prend forme. Le projet de chaîne de télévision
Accents a été formellement soumis au Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes (CRTC) ces derniers jours.

L'organisme de réglementation de l'industrie radio et télévisuelle doit se prononcer sur la question d'ici le printemps.

Accents, qui s'inspire du format de la chaîne autochtone APTN, pourrait
voir le jour aussi tôt qu'à l'automne 2013, assure le président du
conseil d'administration, Guy Matte.

À l'instar d'APTN, la chaîne Accents souhaite être financée à même les
redevances de câblodistributeurs et être incluse dans le service
numérique de base des distributeurs de télévision par câble. Il
s'agirait d'une chaîne à but non lucratif, dépourvue de publicité
commerciale.

Représenter la francophonie

Accents souhaite offrir du contenu développé par des boîtes de
production de toutes les provinces et territoires. Son objectif: faire
voir et entendre la réalité des communautés francophones, où qu'elles se
trouvent au Canada, de Vancouver aux communautés reculées de l'Acadie
ou du Nunavut.

«Il y un problème au niveau de la représentation des communautés dans le
paysage télévisuel canadien et il fallait faire quelque chose, souligne
Guy Matte. Radio-Canada pourrait le faire, TFO pourrait le faire, mais
pour toutes sortes de raison, elles ne peuvent pas le faire. TVA et V
n'ont pas d'intérêts pour le marché hors Québec. Nous, on peut le faire.
Et on veut le faire.»

Loin de voir le diffuseur public comme un compétiteur, Accents souhaite
établir un partenariat avec Radio-Canada, dans le but notamment de
diffuser sur ses propres ondes les reportages préparés par les
journalistes de la société d'État.

«Il y a beaucoup de choses qui sont produites et réalisées dans les
régions par Radio-Canada qui ne se retrouvent pas [...] dans les
émissions de grande écoute. Nous, c'est justement cela notre objectif:
faire voir la diversité de la francophonie, à l'échelle du pays», ajoute
M.Matte, un membre actif de la communauté franco-ontarienne ayant
oeuvré notamment au sein du comité organisateur des IVes Jeux de la
francophonie d'Ottawa-Hull, du Programme de contestation judiciaire et
de TV5.

Maintenant que la demande d'Accents est présentée, le CRTC cherchera à
obtenir les commentaires des câblodistributeurs, mais aussi de la
population, au sujet de la faisabilité et de la nécessité de créer une
telle chaîne.

En lien avec ces consultations, Accents a mis en ligne une pétition demandant au CRTC de donner le feu vert au projet.

«Il y un problème au niveau de la représentation des communautés dans le
paysage télévisuel canadien et il fallait faire quelque chose, souligne
Guy Matte. Radio-Canada pourrait le faire, TFO pourrait le faire, mais
pour toutes sortes de raison, elles ne peuvent pas le faire. TVA et V
n'ont pas d'intérêts pour le marché hors Québec. Nous, on peut le faire.
Et on veut le faire.»

CARAQUET – Le 4 juin, Marjorie Pedneault a eu le même réflexe que plusieurs francophones. Confinée à son domicile de Dieppe avec sa famille, elle se tourne vers RDI pour obtenir les dernières nouvelles sur une fusillade qui venait de se produire à Moncton.
Déçue de l’absence de couverture quant à cette tragédie, où trois membres de la GRC sont décédés, elle choisit CBC plutôt que le diffuseur national francophone.
Dans une lettre publiée peu après dans le quotidien québécois et franco-ontarien Le Droit, elle écrit: «J’ai senti que mon sort de Canadienne importait peu aux dirigeants de l’information à Radio-Canada.»
Ces événements ont incité l’ancienne journaliste à pousser sa réflexion plus loin dans un nouvel essai, Le nombrilisme Québécois, publié aux Éditions de la Francophonie.
Dans cet ouvrage coup-de-poing, Marjorie Pedneault s’en prend notamment à une certaine élite québécoise qui détient les rênes de la production, de la diffusion et même de la distribution des émissions francophones au Canada.
«Je veux ajouter ma voix à tous ceux qui dénoncent la couverture nationale de Radio-Canada. Dans la plupart des émissions nationales, comme Enquête, La Facture ou le Club des Ex, les francophones de l’extérieur du Québec n’ont pas l’impression d’exister», dit-elle.

« Ma réflexion ne s’arrête pas au réseau de Radio-Canada, où les stations régionales jouent bien leur rôle, mais aussi à d’autres chaînes. Prenons MétéoMédia, par exemple : la chaîne a une infrastructure partout au pays, mais c’est comme si on n’existait pas.» La résidente de Dieppe fonde des espoirs sur Unis, une nouvelle chaîne francophone pancanadienne.
« Il y a quelques années, la CRTC a dû trancher entre le projet d’Unis et celui d’une autre chaîne, Accents. J’ai été déçue que la CRTC n’accorde pas de permis de diffusion aux deux projets. Pourquoi ne pas laisser la chance aux deux groupes ? Nous aurions pu répondre aux besoins des francophones du Canada. »
À la suite de nouvelles compressions à Radio-Canada en mai, Hubert Lacroix, le PDG de la société d’État, a lancé une « conversation nationale » sur l’avenir du diffuseur public. Marjorie Pedneault croit qu’il faut profiter de cette occasion pour se faire entendre.
« C’est le temps pour les francophones du pays de se lever. Quand on ne dit rien, on peut se faire passer n’importe quoi, il n’y aura pas de changement. Les gens au pouvoir tiennent à leur pouvoir. »